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20 au 31
août 2024
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Toujours Festival 6e édition : la famille
Cette année, les mots nous ont manqué. Dans le flot ininterrompu des catastrophes, il a fallu un peu nous taire. Nous ne pouvions plus nous contenter d’une ode à la fête, à la légèreté. Nous ne pouvions plus, simplement, rêver de l’été.
Quand les voix sont couvertes par les hurlements du monde, quel est le rôle des artistes et des lieux qui les accueillent ? Que vous dire que vous serez capables d'entendre ? Que valent nos promesses d’immensité, de démesure, de communion quand nous savons que nous n'aurons pas les moyens de les tenir ?
Tous les éditos ont-ils été écrits ? Servent-ils à autre chose qu'à décorer des affiches et à s'éventer sous le soleil ? Le théâtre, la culture manquent-ils de radicalité dans un monde ultra violent? Certainement. Avec ou sans nous, à cause de nous ou malgré nous, la crise est là.
Quel avenir imaginer avec 200 millions d’euros en moins pour le budget de la culture qui pourrait engendrer 54 % de baisse des représentations du spectacle vivant ? Moitié moins de spectacles c'est moitié moins de Toujours, moitié moins d’utopie. C’est triste, c'est désespérant. C’est le monde dans lequel nous flottons. Et nous n’en voulons pas.
Quel avenir imaginer quand le Rassemblement National, dernier avatar du FN et du fascisme, obtient à chaque élection plus de suffrages, jusqu’à prétendre aux commandes ? Ce même parti qui prône toujours plus de repli sur soi, de haine et d’ordre. Moins de culture, de droits et de solidarités. C’est le monde dans lequel nous flottons. Et nous n’en voulons pas. Quel avenir imaginer quand le rapport du GIEC sert de dessous de verre aux puissants ? Un monde où la terre se craquelle et où les plus précaires sont déjà forcés à l'exil, ou notre survie ne semble plus tenir qu’à un fil ? C’est le monde dans lequel nous flottons. Et nous n’en voulons pas.
Quel avenir imaginer dans un monde où nous assistons à la destruction de Gaza en story sur instagram, où se succèdent sur nos écrans la confection parfaite d’un matcha et le démembrement imparfait d’un corps d’enfant ? C’est le monde dans lequel nous flottons. Et nous n’en voulons pas.
Que reste-t-il à dire? Nous avons (nous, artistes, producteurs, génération Y) pendant des années, commenté la catastrophe à venir, l’espérant presque pour certains.Parce que nous fantasmions ses contours brûlants.
Une raison de vivre enfin retrouvée pensaient quelques-uns, une occasion de se réinventer. Maintenant nous ne sommes plus au bord, mais au fond du trou. Finitta la commedia chantait Dalida.
Il nous reste la stupeur, bien sûr. La peur panique face à l’effondrement en cours. Mais il reste aussi et surtout les liens, Heureusement.
Nos liens. Ceux que nous nous sommes créés, hors norme. Nous avons ici envie de faire l’éloge de ces liens. De partager la force de ces amitiés, ces familles choisies. De nos tribus, ces espaces de retour à l'autre et de rencontres possibles. La famille, fil conducteur de notre programmation. Après tout, de quoi parler d’autre ?
Nous sommes les enfants de ces familles dysfonctionnelles, ces structures patriarcales qui reproduisent à l’infini la violence. Ces familles qui imposent leur rythme, leurs matins pas Ricorés, leurs enfermements. On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille disait Maxime Leforestier, c’est bien là toute la difficulté. La déconstruction de la famille comme une valeur bourgeoise, nous laisse pourtant comme un grand vide.
Que nous reste t'il ? Nous aurions pu faire un éloge passionné de l’amour, du couple mais nous ne voulons apporter notre pierre à l’édifice de ce roman de fiction. Alors l’amitié ?
Oui, d'accord. Mais celle qui lie l’équipe du Toujours festival, cette amitié, devenue une famille. Celle qui soude les troupes de théâtre, les groupes de musique, les « ensembles », les trios, les b2b que nous accueillons chaque été. L’amitié qui panse les ruptures, les deuils, les accidents. L’amitié féconde, créatrice. L’amitié tribale qui s’invente des rites dans un monde qui se débat dans son mode de vide. Une société nomade et sans État.
La famille oui mais celle qu’on se choisit. Le sang d’accord, mais métaphorique.
Au Toujours festival, c’est comme ça qu’on vit, Comme ça qu’on survit aux temps contraires. Car nous croyons, qu’il n’est d’utopie que collective. Nous croyons à la force révolutionnaire de l’amitié. A l’émergence de cette contre-société. Au pas de côté, au fantasme actif. Nous croyons que l’amitié est une des dernières promesses possibles pour transformer la vie, qu'elle permet une réinvention de soi et un autre rapport au monde.
A la force politique de nos groupes et de nos fêtes, des informations échangées sous le manteau, des confidences dangereuses. Nous affirmons que ces familles éphémères mais pourtant éternelles sont un mode de vie qui comble les trous, détruit les murs, impose un espace-temps unique, décalé et libéré des contraintes de la vie matérielle. Un ici et maintenant plus puissant que le reste. Au Toujours festival, c’est comme ça qu’on vit.
Dans notre phalanstère foireux, vivant et Ô combien joyeux Car il faut des lieux, des gens et des instants pour le vivre, Notre idéal.
Est-ce que ça durera toujours ? Probablement pas. Mais tant que ça dure.
Après tout, c’est peut-être de ça qu’il faudrait parler. De quoi parler d’autre ?
1. Château de Menthon Saint Bernard.
2. Esplanade du Château.
3. Jardin du Château.
4. École primaire de Veyrier-du-Lac.
5. Le Mikado MJC, Annecy.
6. Le Bistrot des Tilleuls, Annecy.
7. Art by Friends, Annecy.
8. Cinéma, Talloires-Montmin.
9. Pavillon des Fleurs, Menthon-St-Bernard.
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